DOSSIER : Les britanniques en Serie A. 3ème partie : et Hateley arrêta le temps…

Par Michaël Magi publié le 31 Mar 2019
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L’Italie est, historiquement, terre hostile pour le football britannique. Peu de britanniques (ou d’irlandais) ont en effet réussi à s’imposer dans ce championnat tactique et défensif, si différent des leurs. De John Charles à Jimmy Greaves, de Dennis Law à Joe Hart – et l’été prochain Aaron Ramsey – c’est peu dire que les fortunes furent diverses pour les sujets de sa Majesté, venus goûter à la dolce vita. 3ème épisode aujourd’hui, avec les aventures contrastées de Mark Hateley au Milan…

Choc culturel

La carrière de Mark Hateley bascule en une année. Tout au bout d’une saison traversée telle une comète, avec Portsmouth en D2 anglaise, durant laquelle il inscrit 25 buts (cup comprise) ; et d’une campagne victorieuse avec les U21 anglais en championnat d’Europe Espoirs, qu’il achève en tête du classement des buteurs. Suffisant pour convaincre Sir Bobby Robson, sélectionneur alors contesté des A, de lui donner une chance. Après un bout de match, en amical contre l’URSS, début juin 1984, le Midlander débute dans la peau d’un titulaire, 4 jours plus tard, contre le Brésil, dans le cadre d’une tournée sud-américaine. Le Brésil se présente fleur au fusil au Maracana, se payant le luxe de se passer des services de ses vedettes Zico, Socrates ou Falcao. L’Angleterre punit son outrecuidance et l’emporte 2-0. Si John Barnes marque un premier but d’anthologie, ridiculisant au passage 7 brésiliens plantés dans le gazon (gardien compris), Hateley inscrit le deuxième d’une tête rageuse. Cette victoire retentissante et ce but, font basculer son destin.

10/06/1984 : Brazil 0 – England 2 / Hateley et Barnes en tournée sudam 

Ainsi, alors que le Milan semblait tout proche de s’offrir les services de l’allemand Rudi Völler (qui signera à la Roma la saison suivante), Hateley débarque en Italie à l’orée de la saison 1984-1985, moyennant un million de Livres. Avec l’espoir improbable de se fondre dans un football à la culture radicalement différente de celle qu’il a connu à Portsmouth et auparavant à Coventry. Et accessoirement, de convaincre des observateurs dubitatifs. Ce gigantesque anglais d’1m88 (pour plus de 80 kgs) saura-t-il apprivoiser les subtilités tactiques du calcio ? Ses coéquipiers, habitués à pratiquer un jeu posé, soucieux d’équilibre, sauront-ils lire les appels d’un gamin, habitué à ce jeu direct, que l’on estime ici des plus rudimentaires ? Pourra-t-il aider à relever un Milan boiteux, qui vit une période sombre, après l’implication de son ex-Président dans le scandale du Totonero et deux relégations en Serie B (en 79 et 81) ? Les questions sont posées : Hateley devra leur apporter des réponses sur le terrain.

Hateley, loin d’arriver en terrain conquis…

Le jour où Hateley devint Attila

Ses premières réponses laissent de fait présager du meilleur. Hateley fait ses débuts dans un San Siro plein à craquer, contre l’Udinese, alors emmenée par Zico. Débuts fracassants, conclus par une passe décisive pour Virdis et un but de la tête, hélas non récompensés par une victoire ; les frioulans égalisant à la 73ème, par Carnevale, pourtant hors jeu. Deux journées plus tard, Hateley inscrit un doublé contre Cremonese puis le but victorieux du choc contre la Roma, mi-octobre. Le temps passe à une vitesse folle : la 7ème journée s’annonce déjà et avec elle la perspective d’un derby della madonnina qui subsiste depuis dans la mémoire milaniste. Le temps, puisque nous en parlons, est une donnée bien relative, car en ce jour du 28 octobre 1984, il devait aussi sembler bien long pour des tifosi rossoneri, qui n’avaient plus connu la victoire dans un derby depuis 1978.

Hateley, premier match contre l’Udinese

Le match commence mal pour le Milan, qui se fait punir dès la 10ème minute. Décalé par Rummenigge, Brady porte le ballon sur l’aile gauche, dépasse trois milaniste complètement apathiques, et dépose le ballon sur la tête d’Altobelli. L’après-midi promet d’être pénible mais peu à peu, le Milan se remobilise et parvient à égaliser : à la 33ème minute par Di Bartolomei, sur une belle combinaison qui implique Hateley, Wilkins et Virdis. Le meilleur reste à venir. On joue la 63ème minute, quand Baresi adresse une splendeur d’ouverture vers Hateley. L’anglais reprend de la tête mais Terraneo effectue une parade de classe. Dans la foulée, la défense interiste tente de relancer, Altobelli hérite du ballon sans trop savoir qu’en faire. Baresi, autoritaire mais propre, le lui subtilise, le transmet à Virdis, qui adresse un centre pour Hateley. Mark, s’apprêtant à devenir Attila pour tout un peuple, piétine littéralement le pauvre Collovati et met fin à 6 années de frustration…

Extinction des feux

Les journaux retournent leur veste, assommés par la performance du géant. « Avant la joie, se souvient Mauro Tassoti, j’ai ressenti de l’émerveillement. Le temps s’est suspendu, de manière incroyable. Ce but montre combien Mark avait un timing et une force rares. Et il l’a fait sur Collovati qui ne plaisantait pas quand il fallait sauter au contact de l’adversaire ! Je revois encore l’émerveillement de ceux qui l’entouraient, les applaudissements, l’enthousiasme ».

Le reste de l’histoire d’Attila avec les rossoneri sonnera pourtant creux. Entre ce derby fou et la fin de la saison, qui verra le Milan finir à la 5ème place, derrière l’Inter (3ème), Hateley ne marquera que deux buts, perturbé par des pépins physiques ainsi que par le doute lancinant des attaquants muets. Une autre explication est avancée par Tassoti : « Les anglais ont une manière bien à eux de jouer les duels aériens. Chez eux, certains contacts, rudes voire limite, ne sont pas sanctionnés. Mark se plaignait beaucoup des arbitres. Il avait l’habitude de jouer ces situations d’une certaine manière. Ils l’en ont empêché, en ne cessant de siffler contre lui ».  La saison suivante, il inscrira 8 petits buts avant de vivre un exercice 86-87 cauchemar, au cours duquel il ne trouvera le chemin des filets qu’à deux reprises, forçant le Milan à le laisser partir vers Monaco, mais aussi à repenser sa stratégie, avec le succès que l’on sait. Hateley conserve pourtant une place à part dans le coeur de ceux qui se souviennent encore de cette après-midi de grâce où il força le temps à s’arrêter. Un temps qui, pas rancunier, le regarda s’envoler… Emerveillé…

 

A lire ou relire : Le dossier « Les britanniques en Serie A » 

1 – Gerry Hitchens, prophète dans le mauvais pays

2 – Liam Brady, le Sisyphe irlandais




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