DOSSIER : Les britanniques en Serie A. 2ème partie : Liam Brady, le Sisyphe irlandais

Par Yacine Ouali publié le 26 Fév 2019
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L’Italie est historiquement une terre hostile pour le football britannique. Peu de joueurs de Grande Bretagne et d’Irlande ont en effet réussi à s’imposer dans ce championnat tactique et défensif, si différent de leur culture. De John Charles à Jimmy Greaves, de Dennis Law à Joe Hart et l’été prochain Aaron Ramsey, c’est peu dire que les fortunes furent diverses pour les sujets de sa majesté venus goûter à la dolce vita.

Liam Brady dans sa jeunesse, avant de jouer en Italie.

Dans la deuxième partie de ce dossier, intéressons-nous au parcours semé d’embûches de l’irlandais Liam Brady qui, de la Juve à l’Inter en passant par la Sampdoria et l’Ascoli, sut à chaque fois se rendre important sans jamais malheureusement être vraiment indispensable.

Un court mais inoubliable passage dans le Piémont

Pour la majorité des recruteurs en Europe avant l’avènement des nouvelles technologies, les seuls moyens de repérer un joueur étaient soit d’aller l’observer en personne, soit d’affronter son équipe en d’Europe.

À l’orée des années 1980, la Juventus n’a pas encore goûté à l’ivresse d’une victoire dans la reine des compétitions. La Vieille Dame navigue, au gré de ses résultats nationaux, entre les trois compétitions européennes.

Le printemps 1980 est l’occasion pour les turinois de rencontrer Arsenal en demies de la Coupe des Coupes. Avec un nul 1-1 à l’aller à Londres et une défaite 1-0 au retour, les joueurs du Trap’ sortent dépités mais les dirigeants n’en ont qu’à moitié cure. En effet, ils n’ont d’yeux en ce moment que pour Liam Brady, ce virevoltant diable irlandais qui plus d’une fois a donné le tournis à l’une des meilleures défenses d’Italie. C’en est assez alors pour le recruter et faire de lui l’un des deux joueurs étrangers auxquels ont droit à l’époque les clubs européens.

Après une rapide adaptation, Brady s’impose dans le milieu de terrain turinois et contribue grandement à la conquête du Scudetto en 1981, faisant dire au Mister Trapattoni qu’il jouait « un rôle vital dans l’équipe. Nous avions 7 ou 8 internationaux italiens dans le onze, mais c’était Brady qui apportait de la personnalité et de la cohésion ».

Le pénalty d’une vie

À ce moment là, un Scudetto en poche et l’Italie en pâmoison, rien ne semble arrêter la fulgurante ascension de Brady. Rien, sauf un autre tourbillonnant milieu de terrain, français cette fois, sur lequel la Juventus lorgnait depuis longtemps déjà et que le Mondial 1982 achèvera de convaincre. À la fin de la saison 1981-1982, la règle de l’UEFA est claire : seuls deux joueurs étrangers peuvent évoluer dans une équipe. Boniek déjà intouchable, c’est finalement Brady qui est sacrifié pour laisser place à Michel Platini.

Brady ne partira pas toutefois sans un dernier coup d’éclat, un moment à priori anodin qui, avec les bonnes circonstances, peut résonner pour l’éternité. Dans le bouillant stade Nicola Ceravolo de Catanzaro, 25 000 tifosi se massent en cette journée du 16 mai 1982 pour voir si la Juve va enfin réussir à gagner son 20ème Scudetto. À 15 minutes de la fin, alors que la Vieille dame est tenue en échec, un pénalty est sifflé en sa faveur. S’avance naturellement Liam Brady. L’irlandais avait été averti quelques jours plus tôt par le président Boniperti qu’il allait être vendu pour laisser place à Platini, et la presse s’était faite écho de son sentiment de trahison. Alors, quand il s’avance pour tirer l’un des pénaltys les plus importants de l’histoire de la Juventus, les tifosi doutent. Brady va-t-il rester professionnel jusqu’au bout ou va-t-il se venger ?

C’est finalement avec un contrepied parfait que Brady libère la Juventus et douche les espoirs d’une Fiorentina accrochée à Cagliari. Sérieux, l’irlandais préfère partir en héros plutôt qu’en traître, et il va le cœur un tout petit peu plus léger à la Sampdoria de Trevor Francis.

Gênes, Milan AC, Ascoli : le Grand Tour selon Brady

Condamné à prouver à nouveau sa valeur et obligé par sa femme à rester en Italie, Brady s’envole de Turin à Gênes, où bruissent à peine les premiers bruits d’une révolution qui culminera en 1991 avec le Scudetto.

Aux côtés de l’autre britannique de la Samp, Trevor Francis, Brady reprend le numéro 10 qu’il avait déjà à Turin et entreprend, tel Sisyphe, de regravir sa colline du Tartare pour montrer que la Juve n’aurait jamais dû le lâcher. C’est chose faite lors d’une incroyable série de trois victoires au cours de laquelle Brady marquera (contre la Juve) et contribuera grandement à faire de la Sampdoria une équipe redoutée (contre l’Inter et la Roma).

Petit à petit, le Marassi commence à scander le nom de Brady plus fort que les autres et, malgré deux saisons plutôt décevantes, personne n’est plus intouchable pour les tifosi génois que leur joyau irlandais. C’était sans compter toutefois l’incroyable malchance qui poursuivait Brady. À la fin de la saison 1983-1984, deux ans après son arrivée, l’irlandais doit encore faire place à un autre joueur et est cette fois vendu, sans considération ou presque pour ses performances, à l’Inter. L’autre ? Un certain jeune du nom de Robert Mancini avec lequel Brady fit l’erreur de se fâcher. On ne la fait pas deux fois à Mantovani…

Sisyphe encore et toujours, c’est à l’Inter, aux côtés de l’allemand Rummenigge, que Brady doit une fois de plus se renouveler.

Au cours de deux saisons (encore!) où le meilleur résultat fut une demie d’UEFA en 1985, Brady eut tout le même temps de gagner les cœurs des tifosi comme il le fit durant toute sa carrière. Excellent au milieu de terrain, il ne put toutefois convaincre les dirigeants de le garder, la faute à une jeune garde allemande frappant fort à la porte. C’est ainsi que l’irlandais partit une dernière fois exposer sa classe et faire rouler sa pierre en haut de la colline à Ascoli, où une saison cette fois suffit à le faire sortir de ses gonds, les désaccords étant trop importants avec le mystique président Rozzi.

Résigné dans un pays qui l’a aimé mais jamais adoré, Brady rentre à West Ham en 1987 et met ainsi fin à son histoire italienne. Le calcio retiendra de lui un professionnalisme à toute épreuve dans le meilleur championnat du monde, comme lors de cette chaude journée de printemps où, mettant l’esprit collectif au-delà des considérations individuelles, « Chippy » (le charpentier) marqua le pénalty qui broda la deuxième étoile sur le maillot de la Juventus.

À lire ou à relire ; DOSSIER, Les britanniques en Serie A :

1. Gerry Hitchens, prophète dans le mauvais pays.




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