DOSSIER : Cinq histoires de flops du mercato. Épisode 3 : Socrates, un artiste en manque d’inspiration à Florence
Chaque année, le mercato constitue cette période d’espoir où les effectifs se chamboulent et se réinventent. C’est là, en plein cœur de l’été, que se jouent les futurs succès comme les plus amères débâcles. Chaque samedi, jusqu’à la fin du mercato, fixé au 2 septembre, Calciomio vous raconte des histoires de flops retentissants… Troisième épisode avec le passage de Socrates (1954-2011) à la Fiorentina lors de la saison 1984-1985.
Printemps 1984. L’arrivée en Serie A de Sócrates suscite l’effervescence. Il est l’un des meilleurs joueurs du monde. En Italie, on a le souvenir de ce Brésil-Italie (2-3) au Mondial 82 où lui et Paolo Rossi ont été stratosphériques. A peine a-t-il posé le pied à Florence qu’on lui demande son avis sur l’éternel débat italien : « Préferez-vous Mazzola ou Rivera? » Il rétorque: « Je ne les connais pas. Je suis ici pour lire Antonio Gramsci (fondateur du Parti communiste italien, ndr) en langue originale ». La réplique en scotche plus d’un. Mais pas ceux qui connaissent « O Doutor » -qui a mené de front sa carrière et ses études de médecine. Sócrates n’a jamais caché son engagement à gauche sous la dictature brésilienne (1964-1985). Il est l’un des instigateurs de la « Corinthians Democracia », organisation renversant la hiérarchie verticale dans son club au profit de décisions collectives.
Au service des ambitions de la Fiorentina
Le club souhaite franchir un cap après la 3e place obtenue la saison précédente. « La Fiorentina a réalisé un achat extraordinaire » assure le président Pontello. « Sócrates est l’un des joueurs les plus forts au monde. Je ne veux pas parler chiffres, mais le Brésilien a coûté autant qu’un joueur italien de haut niveau et moins que Rummenigge ». Soit 5,3 milliards de lires. Le joueur s’engage. « Je suis ici pour travailler et je travaille pour gagner. A la Fiorentina, je promets un bon nombre de buts. Ma principale qualité est de me mettre au service du collectif, mais pour ce faire, je dois convaincre les autres que je suis utile ».
Saison 1984-1985 : les espoirs sont grands, autant que les désillusions de fin de saison. L’équipe termine 9e. Sócrates est à l’image de l’équipe. En honnête homme, il fait le métier. Mais son toucher de balle est resté au Brésil. Ses statistiques sont correctes (25 matchs, 6 buts) mais on attend plus d’un joueur de sa stature, alors qu’au même moment, son « frère » Zico devient l’idole de l’Udinese.
Une saison et puis s’en va
« Sócrates est un grand joueur qui n’a pas pu complètement s’exprimer car l’équipe n’était pas assez préparée pour mettre en valeur ses qualités » tempère Ranieri Pontello qui espère conserver son joyaux. « 1986, j’en suis certain, sera son année ». Il n’en sera rien. A l’été 85, Sócrates fait sa valise. C’est l’homme, plus que le joueur, qui veut rentrer. « Je suis reparti à cause de la nostalgie » confesse-t-il. « Mon physique n’était pas habitué à ces entraînements aussi intenses. Au Brésil, les systèmes de jeu sont nettement différents. On atteint la forme en jouant. Les mises au vert n’existent pas, il n’y a pas de phases destructrices de préparation athlétique ».
Après Florence, il remontrera son talent en club (Flamengo, Santos) et en Selação. Sócrates raccroche les crampons en 1988 et sera considéré comme l’un des meilleurs joueurs brésiliens de l’histoire. Alors que son petit frère Raï brille au Brésil puis en Europe, l’aîné sombre dans l’alcool. Son train de vie n’a jamais été un secret. « J’ai toujours fumé, en sachant que c’était mauvais, tout comme j’aime la bière. Aujourd’hui comme hier. Mais le football est un sport collectif et il n’est pas nécessaire que tout le monde coure. Il y a ceux qui courent et ceux qui pensent ». Sócrates avait choisi. La descente aux enfers dure jusqu’à ce 4 décembre 2011 lorsque le Brésil apprend que son héros s’est endormi. Le pays est en deuil. La Fiorentina lui rend hommage. Preuve que les tifosi lui avaient pardonné cette erreur de casting. Qui était en fait une peine de coeur.
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