DOSSIER : « Grande Torino, 70 ans après Superga » Guglielmo Gabetto, il barone

Par Michaël Magi publié le 19 Déc 2018
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A l’occasion du 70ème anniversaire commémoratif du drame de la Superga, qui a provoqué la mort, lors d’un crash aérien, de la totalité des joueurs du Grande Torino, le 4 mai 1949, Calciomio vous offre une série de 9 articles, qui, jusqu’à juin 2019, vous plongent dans l’histoire d’une des plus belles équipes de toute l’Histoire du Calcio. Second volet aujourd’hui, avec le portrait de l’attaquant le plus aristocratique de l’époque : Guglielmo Gabetto.

Les deux rives du Pô

Si Gabetto a laissé une trace indélébile dans la mémoire granata, ce n’est pourtant pas avec le Torino qu’il débute sa carrière. Né le 24 février 1916 à Turin même, l’enfant de la ville porte tout d’abord le maillot bianconero durant 7 saisons, ce qui fera de lui l’un des très rares joueurs à avoir remporté un scudetto avec la Juve et le Torino. Pour être honnête, Gabetto ne jouera qu’un rôle mineur dans le scudetto juventino remporté en 1935 :  âgé de 19 ans, il n’y participe qu’à la faveur de 6 apparitions et n’inscrit aucun but. Mais un titre est un titre et celui-ci propulse sa carrière – sous les meilleures auspices pourrait-on dire, si nous ignorions tout de son dénouement. Très vite, l’Italie découvre, derrière ce beau garçon d’un mètre 74, toujours impeccablement mis, l’un des attaquants les plus fins et les plus techniques de sa génération. Capable d’effacer les défenseurs et les gardiens au dernier moment, de contrôler le ballon au moyen d’étonnantes contorsions, d’hypnotiser  les plus robustes défenseurs. Dès sa deuxième saison avec la Juve, Gabetto bouscule naturellement la hiérarchie. Felice Borel (dit Farfallino, en raison de sa vivacité et son petit gabarit), victime de blessures à répétition, s’efface pour laisser le gamin gominé brillantiner à sa place.

Les belles histoires ne sont jamais rectilignes. Ainsi, si en 6 saisons, Gabetto inscrit 81 buts, la Juve, quant à elle, ne parvient plus à remporter le championnat. Et comme il en est l’usage – aujourd’hui comme hier – ce sont les attaquants qui sont montrés du doigt. Gabetto, déclare même un responsable de Juve, est « meilleur dans le rôle de réserviste que dans celui de titulaire ». Un constat sans état d’âme qui trouve ses explications dans l’irrégularité du fantasque attaquant, capable de marquer but sur but, en série sur de courtes périodes, puis de disparaitre de la circulation par excès de nonchalance. Mais aussi dans les histoires qui courent sur l’homme, amateur de clopes et contrebandier à l’occasion. Ainsi bascule le destin de Gabetto. En 1941, dans une Italie que l’effort de guerre éreinte, la pouvoir voit d’un bon œil ce calcio qui demeure l’un(e) des rares plaisirs (diversions) populaires. Sous l’impulsion du pouvoir fasciste, la Serie A se réinvente en un seul été, à la faveur d’un indécent mercato. La Juve et l’Inter repensent leur effectif en profondeur. Le Torino offre un pont d’or (330.000 lires) pour attirer vers l’autre rive du Pô l’indomptable Gabetto, que les bianconieri considèrent déjà sur le déclin, alors qu’il n’a que 25 ans. L’erreur est historique. Durant les années qui suivront, tandis que la Juventus comptera ses sous, le Torino comptera les buts du barone et les titres, en savourant la justesse de son investissement.

Ni Dieu, ni maître…

Gabetto fait ses grands débuts sous le maillot du Torino le 2 novembre 1941 contre la Lazio, au Stadio del Partito Nazionale Fascista. La défaite (4-1) est anecdotique : l’acquisition constituera la première pierre du futur Grande Torino. Le temps d’un exercice fini à la 2ème place, à trois points d’une Roma conduite par Il Forneretto Amadei…pour apprendre. Dès la saison suivante, Mazzola et Loik viendront s’ajouter à l’effectif du Torino. Le reste appartient à l’Histoire : le Torino remportera 5 scudetti en 7 saisons. Gabetto marquera des chapelets de buts, au point de figurer encore à ce jour dans le top 20 des meilleurs réalisateurs de l’histoire du championnat italien. D’aucuns prétendent pourtant que Gabetto aurait pu avoir une plus grande carrière, ce qu’illustre peut-être son faible nombre de sélections avec la Squadra Azzurra (5). Ah, s’il n’avait pas sans cesse pensé à la beauté du geste plutôt qu’au geste lui-même. Peut-être aurait-il… C’est une façon de voir les choses par le petit bout de la lorgnette. Les défauts de Gabetto étaient aussi ce qui le rendait unique. S’il n’avait été si esthète, si facétieux, il n’aurait sans doute pas été si imprévisible. S’il n’avait eu ce tempérament de franc tireur, il n’aurait pas été aussi sûr de sa force, comme le reflète cette anecdote de terrain que l’on se refile entre amoureux du Toro. La scène se déroule le 30 mai 1948 : le Torino affronte la Lazio, au Filadelfia. A bout de 22 minutes de jeu, la Lazio mène déjà 3-0. L’arrière droit Sergio Piacentini, ancien joueur du Torino, bombe le torse et interpelle Gabetto : « Alors, Gabe…, dit-il. Trois, tu crois que ce sera assez ? » « Ne te réjouis pas trop vite, rétorque Gabetto en souriant. As-tu oublié les sortilèges dont je suis capable… » Le Torino renversera la vapeur et l’emportera 4 à 3. Gabetto marquera bien sûr l’un des 4 buts.

Le Vittoria : lieu de fêtes homériques, de parties de poker sans fin…

Le reste de sa carrière, Gabetto la passera au Torino, jusqu’à sa mort tragique. En dépit des clubs qui essayèrent de le débaucher, comme le révèle son fils Gigi Gabetto, qui officia au sein du club en qualité de responsable du secteur jeunes : « La Sampdoria et l’Inter le voulaient à tout prix, mais il a toujours refusé. Il était bien à Turin, c’était sa ville. Il venait d’ouvrir son restaurant, le Vittoria, avec Ossola. Il ne voulait même pas entendre parler d’un départ ». Encore une fois, chacun verra les choses comme il l’entend. D’aucuns ressentiront encore plus de respect pour l’amour que Gabetto ressentait envers sa ville. Les autres ne pourront s’empêcher de lier cet attachement romantique à son funeste destin. Y compris dans les mémoires, Gabetto restera insaisissable. A la lumière de la réponse qu’il fit à la Gazzetta qui s’entêtait à mal orthographier son nom. « S’ils m’appellent Gabetti dans la Gazzetta, c’est parce que je suis tellement fort que lorsque j’attaque, ils ont l’impression que je suis plusieurs… »




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