Arrivé sur la pointe des pieds en Italie en 2005, Ghezzal a écumé de nombreux clubs et fait son trou, petit à petit, dans la botte, faisant même un détour par l’Espagne. Pour Calciomio, il est revenu sur ses (presque) dix années passées en Italie sans oublier bien sûr la coupe du monde disputée en Afrique du Sud.

Après avoir été formé à l’Olympique Lyonnais et effectué une pige dans le club de Saint Priest, tu débarques en Italie à tout juste 21 ans, dans le fin fond de la Calabre, à Crotone. Raconte nous ces premières années importantes de ta carrière et les dessous de ton arrivée en Italie.

A la fin de la saison passée à l’AS Saint-Priest en CFA, j’avais des touches en National et en CFA et par le biais de l’un de mes agents, Frédéric Guerra, j’ai pu faire un essai à Crotone qui venait de faire signer Jamal Alioui ancien lyonnais lui aussi. En fait, le directeur sportif de Crotone en a profité pour demander à mon agent s’il n’avait pas également un jeune joueur au potentiel intéressant sous la main. Du coup, je suis parti pour un essai et au bout de 15 jours j’ai signé. Voilà comment ma carrière a débuté en Italie.

D’ailleurs tu n’es pas dépaysé lors de ton arrivée puisque tu te retrouves avec Piocelle, Konko et justement Alioui qui parlent français. Ils ont facilité ton intégration ?

Tout à fait, j’ai eu la chance de les avoir au quotidien, de ne pas me retrouver seul tout de suite. C’était quand même ma première expérience loin de chez moi, à l’étranger, et grâce à eux ça s’est bien passé. Par contre, au niveau du jeu c’était plus compliqué car il a fallu que je m’adapte à un football beaucoup plus tactique, sans parler la langue, etc… Au final, je n’ai pas beaucoup joué lors des premiers mois.

Afin que tu t’aguerrisses, Gasperini (alors entraineur de Crotone) préfère t’envoyer à la Biellese où tu inscris la bagatelle de 9 buts en 12 matches en Serie C2. Pas mal pour un premier vrai contact avec le foot italien. Tu as peut être dû lui faire regretter son choix.

Ce qui est sûr, c’est que cela s’est avéré être un bon choix car je marquais presque à chaque week-end et cette expérience m’a été très bénéfique sur le plan humain car je me suis retrouvé pour la première fois tout seul en dehors des terrains et j’ai vraiment dû me mettre à l’italien et essayer de m’intégrer. Cela a été une immersion totale au final. L’objectif du maintien qui semblait difficile au début s’est dessiné au fil des matches, on avait Marchetti dans les cages et on est parvenu à se sauver. Donc ça a été une superbe expérience.

En 2006-07 tu montes d’un échelon et tu atterris, toujours sous la forme de prêt, à la Pro Sesto où tu confirmes ton bon rendement.

A mon retour de Biella, le directeur sportif décide de m’envoyer en Serie C1 à la Pro Sesto, dans la banlieue de Milan pour continuer à progresser et ça se passe très bien encore. J’arrive à faire une saison pleine, je marque treize buts et, avec la descente de Crotone lors de cette même saison de Serie B en Serie C1, on décide enfin de me faire confiance pour la saison suivante afin d’essayer de remonter.

Et là c’est là que tu « exploses ».

Oui (rires…), je marque vingt buts et on passe tout près de l’accession en Serie B. Je dois dire que c’est vraiment l’année qui m’a permis de m’affirmer, de franchir un pallier et de me faire connaitre. A partir de là, je signe au Genoa mais l’entraineur de Siena, Marco Giampaolo, avait suivi mon évolution, n’arrêtait pas de m’appeler et voulait me récupérer en Toscane. Du coup, j’ai été prêté là bas et cela s’est super bien passé. En passant de la Serie C à la Serie A, je ne m’attendais pas forcément à beaucoup jouer et au final je dispute 37 matches pour ma première saison au plus haut niveau, je finis deuxième meilleur buteur du club et je suis même sélectionné avec l’Algérie.

Tu connais alors une période dorée sur le plan personnel avec l’équipe nationale en parallèle.

C’est vrai que c’était une très belle période, Giampaolo avait vraiment confiance en moi, j’étais titulaire à chaque match, je marque contre le Milan, je mets un doublé contre la Juve qui nous permet de les accrocher et en parallèle je vis des aventures fantastiques avec l’Algérie.

Quel est ton plus beau souvenir avec les fennecs ?

Je dirais que c’est notre qualification au Soudan contre l’Égypte, un match à quitte ou double pour nous. C’était un match tendu, avec tous les évènements qui entouraient la rencontre, l’histoire du bus. C’était vraiment tendu. A ce moment là, on avait énormément de pression sur les épaules, tout le pays était derrière nous d’autant plus que cela faisait 26 ans que l’Algérie n’avait plus disputé de coupe du monde. Après ce match d’appui joué au Soudan, les jours qui ont suivi au retour en Algérie ont été uniques, incroyables, tous les gens étaient dans la rue. On aurait dit qu’on avait gagné la coupe du monde (rires), ça reste un moment énorme pour moi !

Après cela, tu décides de rejoindre Bari afin de rester en Serie A où tu es entrainé par Ventura qui sera remplacé par Mutti, faute de résultats. Le club est relégué en fin de saison, qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ?

On était bien partis puis au bout du troisième mois, on a commencé à toucher le fond du classement et on n’est pas parvenus à se relever. Une partie de l’équipe était impliquée dans l’histoire des marches truqués. Bref. Je ne suis pas sûr que ce ne soit dû qu’à cela mais ça a quand même un peu plomber notre saison au final. A la fin de la saison, Giampaolo avec lequel j’avais travaillé à Siena signe à Cesena et me propose de le rejoindre. Mais là encore, au niveau des résultats ça n’allait pas, on arrivait pas à sortir du trou et en janvier je saisis l’opportunité de rejoindre la Liga et je pars pour Valence, pour jouer avec Levante qui à ce moment là est quatrième du championnat. Un souvenir inoubliable, une saison magnifique, on gagne match sur match, je joue régulièrement et l’apothéose arrive lors du dernier match face à l’Athletic Bilbao. Encore une fois, une rencontre à quitte ou double pour moi puisque l’on a la possibilité de se qualifier pour l’Europa League en cas de victoire. Au final, on s’impose 3-0 et je signe un doublé, quelque chose d’exceptionnel ! La plus belle saison de l’histoire de Levante en Liga.

Le plus dur recommence pour toi puisqu’à ton retour de prêt tu te blesses aux ligaments croisés du genou droit. Comment s’est passée cette étape de ta carrière ?

Un calvaire au niveau sportif puisque je réalise une bonne préparation avec Bari, tout se passe bien et je me fais les ligaments croisés. Mais je ne me suis pas laissé abattre et je pense que le mental joue beaucoup. Dès que j’ai su que j’avais les ligaments croisés, je n’ai pas perdu de temps. Je me suis dit que le football, c’était de marquer deux buts contre Bilbao mais c’était aussi la possibilité de grièvement se blesser. Je me suis donc fait opérer, j’ai effectué la rééducation et je suis revenu au bout de trois mois et 17 jours. En fait, j’ai même battu le record de retour de blessure après les ligaments croisés. Au final, je fais presque toute la phase retour du championnat en étant titulaire et en marquant deux buts.

Un retour à ton meilleur niveau qui te rouvre les portes de la Serie A.

Mon agent m’appelle l’été dernier et me dit qu’on avait une piste avec Parma, que le directeur sportif était intéressé. Je lui ai tout de suite dit que j’étais partant, sachant que c’était une équipe avec un passé prestigieux, la Serie A… Mais au vu de l’effectif qu’ils avaient avec les Amauri, Cassano etc en attaque, et avec la coupe du monde en ligne de mire, je voulais faire une saison pleine. On a donc tous opté pour le prêt à Latina.

Justement pourquoi Latina ? Qu’est-ce qui t’a séduit dans ce projet ?

Déjà, le discours de la présidente et du directeur sportif qui sont venus à Parme pour me présenter un projet intéressant et ambitieux. De plus, le capitaine de Parma, Morrone, avait signé quelques jours plus tôt et m’en avait parlé en bien. Le projet et le discours qu’ils m’avaient présentés se sont d’ailleurs concrétisés au vu du recrutement et des résultats actuels.

En effet, vous êtes très bien classés (5^ème ex aqueo), penses-tu que vous êtes armés pour jouer la montée en Serie A ?

L’objectif premier était d’obtenir le plus rapidement possible les points pour se maintenir. On les a presque pris donc quelque part, au vu de notre position, en obtenant de tels résultats et en donnant de la continuité, on pense forcément un peu à la montée. Et puis on a une bonne équipe, faite de joueurs de qualité, d’expérience. On se doit de donner le maximum et puis si ça vient tant mieux. En tout cas, on va essayer et tout donner.

Cela fait neuf ans que tu es en Italie, tu dois forcément apprécier ce pays et sa culture ?

C’est effectivement un pays que j’apprécie énormément, qui m’a donné beaucoup, sur le plan humain et coté footballistique. J’ai d’ailleurs eu la chance de beaucoup bouger et de connaitre de nombreuses régions. Mais que ce soit au nord ou au sud de l’Italie je n’ai connu que des gens formidables. C’est un superbe pays, je ne peux pas me plaindre. Chaque région a sa culture, quelque chose de particulier. Même ici à Latina, c’est super, j’ai la chance de pouvoir me rendre assez souvent à Rome, qui est à 60 km, une ville magnifique. On se fait même des petites virées avec mes coéquipiers, on va manger au resto, c’est top !