Higuain, un complexe de « gros » ?

Depuis fin août, c’est l’évènement attendu par des milliers de supporters du Napoli. Le retour du « traître », celui à qui tout un peuple a confié son cœur et qui est parti pour de plus verts pâturages, ceux de l’ennemi juré qui plus est. Impardonnable, c’est en tout cas le sentiment de tous ces tifosi, qui vont sûrement lui réserver un accueil des plus particuliers, pour une double confrontation en 3 jours qui promet d’être explosive. Cependant, il n’arrivera pas au Napoli totalement en confiance et sûr de sa force. En effet, plusieurs observateurs sont sceptiques sur le rendement de l’attaquant de la Juve. S’il n’a pas à rougir de certaines de ses statistiques, la carence serait plutôt mentale, en particulier dans les grandes échéances. Mais ce n’est pas tout, le changement tactique, comparé à celui qu’il avait au Napoli ou même au 3-5-2, ses coéquipiers qui occupent les espaces qui lui étaient prédestinés, tous ces facteurs peuvent expliquer ses difficultés actuelles.

Docteur Gonzalo et Mister Higuain

Peu importe qui l’on est, rejoindre une nouvelle équipe et s’y acclimater n’est jamais une chose aisée. Encore plus venant d’une équipe où l’on était idolâtré. Mais ne digressons pas plus longtemps, oui Higuain a une flopée de circonstances atténuantes. Elles n’excusent pas tout, mais elles expliquent la plupart des critiques à son encontre. Déjà, sa saison dernière. Un record historique, 36 buts marqués. Difficile de réitérer une telle prouesse un an après, surtout dans sa situation et son changement de club. Pour ça, et peu importe le reste, il a réussi son intégration et demeure l’excellent joueur qu’il était au Napoli. Néanmoins, s’il a ramené dans ses bagages ses qualités, il a aussi ramené les cruelles lacunes qui le suivent depuis des années. Et la plus flagrante est bien entendu son inconstance, surtout face aux grosses écuries. En Serie A déjà, il a eu des prestations en demi-teinte face aux équipes du haut de tableau. Des matchs aboutis face au Napoli, paradoxalement, mais aussi face à la Roma, l’Atalanta ou encore le Torino. Et à côté de ça, une présence quasi fantomatique face aux équipes de Milan ou encore la Lazio et la Fiorentina. En Supercoppa aussi, et surtout en Champions League, c’est une hécatombe, mis a part face à Zagreb, c’est 0 buts et 0 passes décisives. De même pour la Coppa, où il n’a que très rarement été décisif, à l’aube d’un retour bouillant au San Paolo. Une épine qui le suit depuis longtemps, souvenir d’une finale de Coupe du Monde. Le montant mirobolant de son transfert ne joue pas en sa faveur, et les critiques sont souvent à la hauteur des attentes de son investissement. Et pourtant, dénigrer la saison d’Higuain serait une réelle déconvenue, preuve à l’appui.

https://youtu.be/m0yKi4jKzh0

La tactique comme deuxième facteur d’explication

Evidemment, cette impression de moindre dominance par rapport aux saisons dernières a comme piste explicative le cœur du jeu : le système tactique. Cette année, Higuain a évolué en début de saison dans un 3-5-2, puis dans un 4-2-3-1, alors qu’au Napoli il évoluait dans un 4-3-3 pointe basse. La différence majeure ? La présence systématique d’un autre joueur à vocation très offensive derrière lui en électron libre (Dybala), contrairement à ce qu’il a connu en azzurro. De plus, les joueurs sur les ailes et au milieu de terrain de la Juventus, équipe connue pour rouler lentement sur ses adversaires depuis quelques saisons, sont des joueurs le plus souvent créatifs voir organisateurs. Cela débouche sur un fait assez observable : Pipita décroche beaucoup moins pour se placer en faux 10 comme il aimait le faire au Napoli, il semble beaucoup moins libre et rayonnant sur le terrain, notamment au niveau de ses déplacements et de son nombre de ballons touchés par match. En d’autres termes il semble beaucoup plus cantonné à un rôle de finisseur, pâtissant certainement des directives d’Allegri qui préfère placer ses créateurs de jeu plus en retrait sur le terrain. Même sous Benitez, où le schéma était également un 4-2-3-1, Hamsik placé en numéro dix était tout de même en moyenne assez bas, juste devant ses milieu (avec des grosses directives de pressing, lorsque l’on se souvient du style de jeu du coach espagnol), et Gonzalo avait beaucoup plus la liberté et le loisir de venir participer à la construction, de rayonner sur le jeu.

Les différents schémas tactiques à la Juventus et au Napoli avec Higuain

Les statistiques parlent pour lui… Mais pas toutes

Evidemment, si l’on se penche sur ses statistiques en termes de buts, elles sont très solides. 22 buts toutes compétitions confondues c’est déjà aussi bien que ses 2 premières saisons au Napoli, même s’il est en retard sur la saison dernière où il était déjà à 29 buts à la 29ème journée. Cela pourrait entraîner l’arrêt de tout débat sur son état de forme cette saison, qui semble être très bon, à l’image de ses performances face au but. Cependant, si l’on s’attarde sur ses stats de passes, quelque chose attire l’œil. En terme de distribution de passes clés par match, l’Argentin est clairement 2 tons en dessous par rapport à ses années en Campanie (0,8 par match avec la Juventus, plus de 1,5 par match avec le Napoli).

moyenne de passes clés par match

Pour ce qui est des passes tentées, on remarque qu’Higuain délivre en moyenne près de 25% de passe en moins par rapport à la saison dernière. De plus, ses statitisques de dribbles sont également éloquantes. Si cette année il tente en moyenne 2,2 dribbles par match, sur ses années napolitaines il en tentait 3,8 ! il semble donc se brider dans ses prises de risques. Réponse ce soir après une disette de 5 matchs sans marquer en Serie A ?

Article écrit en collaboration avec Nicolas Soldano

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