DOSSIER : la diaspora italienne, Roger Piantoni

Par Christophe Mazzier publié le 20 Jan 2021
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Afin d’agrémenter notre dossier sur la Diaspora, nous allons faire un arrêt sur image sur celui qu’on prénommait « Bout d’chou », autrement dit Roger Piantoni. Comme Platini, il était originaire de Lorraine et comme lui, il a endossé le maillot de l’AS Nancy et de l’équipe de France. Mais bien avant. Retour sur un parangon de l’immigration italienne et sur l’une des grandes stars du football d’après-guerre.

Dernière valse à Nice

On est en 1966, la dernière année de sa carrière professionnelle, Roger Piantoni joue alors à Nice. Ce soir-là, son équipe rencontre le Red Star. En levée de rideau, les jeunes de Saint-Ouen reçoivent leurs homologues azuréens. A la fin du match, l’un d’entre eux accoste la star franco-italienne. Ses parents viennent d’arriver d’Italie, 8 ans auparavant, et pour le petit rital des puces, Piantoni est un modèle, un symbole. L’ancienne star du Stade de Reims, en retour, le questionne apprenant ainsi ses origines.

Ce dialogue va impulser chez l’attaquant un élan nostalgique, le « Bout d’chou » comme il est surnommé, s’assied un moment avec le jeune homme, et lui conte l’histoire, son histoire. Il lui rappelle l’arrivée de son grand-père maternelle, originaire de Modena, Antonio Beneveti, en 1914, en Meurthe et Moselle, dans les mines, et plus particulièrement dans l’arrondissement de Briey pour y rejoindre cousins et amis qui travaillent dans une industrie en pleine croissance. A ce moment, techniques nouvelles et forte demande, ont propulsé le bassin minier lorrain sur le trône des plus gros producteurs de fer mondiaux.

Une immigration visée, pointée du doigt

La production dans les hauts fourneaux est décuplée en moins de 10 ans. Cette croissance attire de nombreux italiens. Sur plus de 150.000 étrangers recensés en 1946 dans cette région, et représenent plus de 61 % des « gueules jaunes » dans l’arrondissement de Briey. Malgré les difficultés de travail, le gaz des machines, le bruit continu, la poussière, dans la région, ces émigrés ne sont pas les bienvenus. Dans des archives des autorités du territoire, on peut lire que la « bande à Sabadini » est réputée pour avoir le « couteaux faciles », ainsi les autorités avertissent leur population « de ne pas sortir à une certaine heure de la nuit dans Briey ». Les journaux locaux se réfèrent à ces « voleurs de pain », ces « grands enfants turbulents », ces « véritables bandits dangereux auxquels il fa[llait] attribuer la majeure partie des nombreux crimes de l’arrondissement. »

L’atmosphère, en cette veille de première guerre mondiale, est tendue. Accusés d’être le cheval de Troie de l’ennemi, des italiens vont être expulsés de ces territoires manu militari, dans des wagons à bestiaux. Nombreux seront envoyés à Etain dans la Meuse, où s’établira son grand-père. Roger Piantoni, y naîtra mais passera sa jeunesse à Piennes, dans la cité minière de la Mourière. Il  y épousera la belle Gemma De Biasi, d’origine italienne comme lui, fruit d’un assemblage social favorisant l’endogamie.

Un prodige avec de la foudre au pied

Destiné à travailler dans les mines, il signera sa première licence professionnelle, à Nancy. Il y jouera 7 ans puis s’envolera pour le Stade de Reims, orphelin de Raymond Kopa parti au Real Madrid, club mythique qui va le faire entrer dans la légende. Considéré comme l’un de meilleurs joueurs de sa génération, il marquera plus de 200 buts en carrière (6ème meilleur buteur de tous les temps), participera à plus de 420 matchs dans l’élite (trois fois champions de France), à une finale de Coppa dei Campioni face au Real Madrid (perdu 2-0 en 1959).

Le journaliste André Isch, dira de lui : « Kopa, était un remarquable meneur de jeu, Fontaine un formidable buteur. Et Piantoni possédait les qualités de ces deux-là ». Avec les deux autres stars, les Bleux d’Albert Bateux atteignirent la demi-finale de la coupe du monde en 1958 lors d’un match légendaire perdu face au Brésil du grand Pelé, qui venait d’avoir 17 ans. Il sera auteur de 4 buts en 5 matchs pendant la compétition.

Mais ce 15 juin 1966, au stade Bauer, le gaucher à la frappe surpuissante, veut se rappeler de ses origines nappées dans sa double nationalité acquise plus tôt. Il recommande au jeune garçon de persévérer et de ne pas oublier ces origines, et ces travailleurs déracinés qui ont abondé dans ces mines, qui ont fermé leur porte en cette fin de 20ème siècle, et avec elles, ces histoires évanouies.

A lire aussi dans le dossier sur la diaspora italienne :

1.Enzo Scifo, le « petit pelé du Tivoli »
2.Platini, le « roi » du Piémont
3. Altafini, le « Mazzola » brésilien
4.Tony Meola, le rêve américain
5. Schiaffino, « Pepe » au pays du Maté
6. Eric di Meco, le symbole
7. Jean-Marc Ferreri, le « nouveau Platini »
8. Omar Sivori, « El Cabezón »
9. Delio Onnis, le « Roi du Rocher »
10. Di Lorto l’enfant de Provence
11. Fleury Di Nallo, le « petit prince de Gerland »
12. Roger Grava, a jamais gravé au Superga
13. Roger Piantoni, la foudre du Stade de Reims
14. Maurizio Gaudino, l’italien de la Mannschaft
15. Carlo Molinari, et la colonie italienne du FC Metz
16. Mario Zatelli, un pied-noir à Marseille
17. Sforza, un italo-suisse
18. Les Frères Revelli, une historie stéphanoise
18. Bernard Zenier, l’enfant chérie de Lorraine




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