DOSSIER : Vittorio Pozzo, le héros oublié, une décennie de domination italienne sur le monde (2/3)

Par Boris Abbate publié le 14 Nov 2019
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Parce que Roberto Mancini vient tout juste d’égaler son vieux record de victoires consécutives à la tête de la Nazionale, Vittorio Pozzo est récemment revenu sur les devants de la scène en Italie. Pourtant, même après sa mort à la fin des années 1960, Pozzo n’a jamais vraiment pris une place importante dans la mémoire et la culture sportive italienne. Un fait d’autant plus étonnant quand on sait que l’ancien maitre de la Nazionale est toujours le sélectionneur italien le plus victorieux de l’histoire, et qu’il est encore à ce jour le seul entraineur sur cette planète à avoir remporté deux Coupe du Monde !

Calciomio brise donc ce vieux tabou et revient sur la carrière et le parcours de l’illustre entraineur de la Squadra Azzurra, qui aura grandement façonné le mythe et la réputation de l’Italie dans l’histoire du football. Place aujourd’hui au deuxième épisode de notre dossier, qui se concentrera surtout sur le coaching et les méthodes de jeux que Pozzo a mis en place pour tout rafler sur la scène internationale.

Une révolution tactique pour l’époque

Tout au long de ses années glorieuses à la tête de la Nazionale, Vittorio Pozzo va appliquer à la lettre un système de jeu qu’il avait façonné lui même et qui était déjà une sorte de petite révolution dans le football de l’époque. Dans un panorama footballisitque où la plupart des équipes évoluaient alors avec des systèmes pyramidaux totalement désordonnés, Pozzo est le premier à créer un schéma strict et novateur, où chaque joueur doit se fondre à merveille en respectant parfaitement son poste. Ce système, Pozzo en est très fier et le baptise même « metodo« . En réalité, ce système tactique donne surtout naissance à un tout nouveau poste pour l’époque : le milieu relayeur.

Disposé en un 2-3-2-3, l’équipe de Pozzo s’appuie ainsi sur deux latéraux très offensifs, et un joueur qui vient donc s’intercaler entre les défenseurs centraux et les milieux axiaux (le fameux relayeur). Cela peut paraitre anodin et tout à fait logique de nos jours, mais dans les années 30, l’idée du coach italien était vraiment novatrice ! Très organisée et en développant un football très pragmatique avec cette organisation, l’Italie de Pozzo va alors être réputée (déjà) d’être une équipe essentiellement portée sur la défensive, avec un jeu qui n’enchante pas vraiment les foules. Des « accusations » qui viennent alors surtout du fait que la Nazionale de Pozzo marque la plupart de ses buts sur des contre-attaques éclaires, et qu’elle ne laisse pas la moindre petite occasion à ses adversaires.

A gauche, Vittorio Pozzo en pleine séance tactique. A droite, le fameux 2-3-2-3 de l’Italie.

Des entrainements quasiment militaires

Soldat respecté, reconnu et engagé aux cotés des forces italiennes lors de la première guerre mondiale, Vittorio Pozzo a également emporté ses années militaires avec lui pour étoffer un peu plus sa façon d’entrainer (la légende raconte qu’il faisait chanter à ses hommes les chants des militaires alpins avant chaque rencontre). De la boue et la terreur des tranchées jusqu’aux paisibles rectangles verts des pelouses de football, Pozzo va alors toujours être la même personne et considérer ses joueurs comme les soldats qui l’accompagnaient au début du 19ème siècle. On l’avait déjà répété dans le première épisode, mais le tacticien italien est ainsi le premier à envoyer ses joueurs en mise au vert avant les matchs. Et ces périodes n’ont rien d’une partie de plaisir. Coupés du monde et privés de tout divertissement, les joueurs de Pozzo fonctionnent alors comme dans les casernes militaires de l’époque. En 1938 par exemple, juste avant le Mondial, Pozzo prépare à ses hommes un enchainement de trois ritiri consécutif ! A Cuneo, Stresa et Roveta, dans la province de Florence, les séances sont alors décrites comme horribles et intenses, et aucun jour de repos n’est d’ailleurs accordé. Un fait assez notable qui emmènera même le mythique Silvio Piola a créer une petite mutinerie pour avoir ne serait-ce qu’une seule petite journée de repos !

Pour le reste, Vittorio Pozzo était aussi un fin psychologue et un meneur d’homme hors normes. Derrière l’homme dur et glacial, se cachait un vrai entraineur, pour lequel les joueurs étaient prêt à tout. A la veille de la Coupe du Monde 1934, Pozzo va même jusqu’à faire confiance et relancer Attilio Ferraris, un garçon qui avait perdu toute estime de lui et qui passait son temps à trainer dans les bars de la capitale (il sera finalement l’un des meilleurs joueurs du Mondial). Mieux encore, dans les minutes qui précèdent la finale des JO de 1936, Biagi, célèbre milieu italien, doit recevoir un télégramme lui informant le décès de sa mère. Pozzo sait pertinemment que son joueur jouera le match malgré le drame, et il cache alors la nouvelle à son homme pour le laisser dans son match. Plus tard, dans une rencontre face à l’Allemagne, Serantoni se fracturera carrément le pied lors d’un contact avec un adversaire. Pozzo lui ordonnera de terminer la partie, et le milieu italien finira les 18 dernières minutes de jeu avec un pied cassé ! « Je ne pensais pas qu’un homme pouvait résister à une telle douleur » déclarera alors le médecin de la Nazionale.

L’Italie championne du monde en 1938

Une domination stoppée par la guerre et une autre tragédie

En 6927 jours à la tête de la Nazionale, Pozzo affichera alors un bilan totalement dingue. 65 victoires, 17 matchs nuls, 15 défaites et des trophées à la pelle. Une coupe internationale en 1930, une Coupe du Monde en 1934, une autre coupe internationale en 35, champion Olympique en 1936 et une deuxième Coupe du Monde en 1938. Des chiffres tout simplement hallucinants, qui font de lui le plus victorieux des entraineurs italiens. Mais résumer Pozzo avec des chiffres serait assez réducteur, car l’entraineur est aussi connu pour avoir assisté les plus grands noms du Calcio, comme Meazza, Piola, Ferrari, Combi, Rosetta, Monzeglio ou encore Caligaris, pour ne citer qu’eux.

Le sélectionneur est aussi reconnu pour avoir fait confiance pour la toute première fois à des joueurs sud-américains comme Monti, Orsi ou Andreolo (« s’ils peuvent mourrir pour l’Italie, ils peuvent aussi jouer pour l’Italie » déclara d’ailleurs Pozzo). Après une belle décennie de domination sans partage sur la scène internationale, Pozzo ne put hélas plus continuer avec la Nazionale. La faute à l’arrivée de la seconde guerre mondiale, qui allait radicalement changer voire stopper le football dès 1940. Quelques années plus tard, la catastrophe de Superga et la disparition d’une bonne partie de la squadra azzurra allait définitivement arrêter la marche de Pozzo avec l’équipe d’Italie…

A lire aussi :

1- 1ère partie : les premiers pas du plus grand entraineur italien de l’histoire

2- 2ème partie : une décennie de domination italienne sur le monde

3- 3ème partie : les raisons de l’ostracisme du football italien (à suivre) 




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