Pier Paolo Pasolini, poète amoureux du football

Par Romain Simmarano publié le 16 Oct 2016
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Pier Paolo Pasolini est mort il y a 41 ans. Lâchement assassiné sur la plage d’Ostie, battu à coups de bâton avant d’être écrasé par ses meurtriers avec sa propre Alfa. Que reste-t-il de l’immense intellectuel, du poète indomptable, du cinéaste impertinent ? Comment découvrir, en 2016, les sentiers de ce que le jeune Pierre Adrian appelle élégamment la « Piste Pasolini » ? Incontestablement, son empreinte sur la société italienne demeure. Elle reste, comme une cicatrice, la marque d’une blessure pas encore tout à fait refermée. Celle de la remise en question de la transformation du monde. Celle du refus de l’inacceptable, celle de la nostalgie profonde et mystique d’un monde qui meurt, du Monde d’hier de Stefan Zweig et pas seulement. Avec ce cri du coeur, presque insondable : pas l’Italie ! Pas le creuset de la romanité et du christianisme dans ce qu’il a de plus grand et de plus charnel ! Non, définitivement, non, ce pays est le dernier à mériter de subir la grossièreté, la vulgarité du monde moderne. De ses totalitarismes, de ses idéologies mortifères, de sa société de consommation anesthésiante. L’oeuvre de Pasolini est une oeuvre de refus et donc une oeuvre d’amour. Et, dans cette oeuvre, le football occupe une place toute particulière. Avant tout, d’ailleurs, parce qu’elle occupe une place toute particulière chez Pier Paolo avant qu’il ne soit Pasolini.

Le troisième plus grand plaisir terrestre

Une fois n’est pas coutume, l’objet de cet écrit est de rendre grâce à un homme dont l’une des plus grandes fiertés a toujours été d’avoir porté le brassard de capitaine de l’équipe de football de la Faculté de lettres de Bologne. « Le capocannoniere d’une saison est en réalité le poète de l’année« , écrivit-il. Pour Pasolini, le football est une affaire sérieuse. On ne joue d’ailleurs vraiment avec entrain que lorsque l’on joue avec sérieux, diront les puristes. A bien y regarder, les témoignages de ses amis concordent. Ni journaliste, ni poète, ni cinéaste, ni politique: le rêve du jeune Pier Paolo était bien de « faire le footballeur », comme disent les italiens. Sur le terrain, son poste oscille entre le numéro 6 et le numéro 10. Logique : sa nature le pousse sans cesse, sur et en dehors du terrain, à un subtil mélange entre un engagement jusqu’à l’excès et une propension toute christique à servir les autres. Son amour inconsidéré, son amour de tifoso pour l’équipe de Bologna ne l’empêche pas de revêtir d’autres tuniques, comme celle du Genoa ou de la Nazionale des artistes, au milieu des années soixante. A Enzo Biagi, il confiera dans une interview dans La Stampa que, « juste après la littérature et l’eros, le football est l’un des plus grands plaisirs de la Terre« .

Le football comme objet d’étude littéraire

Pasolini, homme du peuple, refuse catégoriquement d’intellectualiser le football. C’est avant tout une affaire de sentiment et d’affection, qu’il se risquera somme toute assez peu à analyser. Pourtant, il distingue deux « phases » littéraires dans le football parfaitement identifiables pour tout supporter qui se respecte. Une phase profondément poétique, à la fois fugace et essentielle. C’est le but, chaque but étant une invention indépassable, inimitable, et unique. Le but est à la fois si rare et si important qu’il est « fulgurance, stupeur, irréversibilité » ! C’est aussi le cas de l’écriture poétique. Ces moments d’exception, de poésie, viennent ainsi se superposer avec grâce aux plus longues phases de « prose esthétique« . C’est le propre du match dans son ensemble, du schéma tactique collectif aux comportements individuels visant à assurer le succès de cette tactique. Catennaccio et triangulation, concepts stratégiques en vogue du vivant de Pasoloni, sont ainsi de l’ordre de la prose puisqu’ils visent à faire émerger la création poétique – le but. Ils sont la machinerie d’une équipe de football, que rien n’empêche d’exécuter avec élégance et beauté. Surtout en Italie. Mais cela reste la prose du football, aussi esthétique soit-elle. Résumons : c’est surtout le moment individuel du but qui est le moment poétique propre au football. Et il est merveilleux, inégalable dans l’intensité émotionnelle et sensible qu’il suggère. Que serait-il, toutefois, sans sa prose besogneuse ? Absolument rien. Et c’est là toute la réalité profonde du football, cette croyance sans cesse renouvelée jusqu’au plus profond des âmes que du sacrifice de l’individu dans un schéma collectif finit par naître l’explosion individuelle la plus pure et la plus stupéfiante. Et les notables, les bien-pensants, les boeufs si prompts à haïr le football pour son caractère populaire, n’y comprendront jamais rien. Pasolini 1 – Grincheux 0. Pour l’éternité de ce sport.




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