24 ans après sa dernière victoire, l’Italie brode une 4ème étoile au-dessus de son écusson. C’est la consécration d’une incroyable génération qui met finalement fin à la malédiction des tirs aux buts.

On pensait que le tour de l’Afrique était enfin venu, d’ailleurs elle comptait deux candidats à l’organisation de cette 18ème Coupe du Monde : le Maroc qui tentait le coup pour la 3ème fois en 4 éditions et l’Afrique du Sud battue d’une seule petite voix par l’Allemagne. C’est la deuxième fois que le Mondial a lieu en terre germanique après celui de 1974. Enfin l’Angleterre avait également présenté une candidature.

Qualifications

Après une nouvelle élimination pour le moins “curieuse” à l’Euro 2004, le Trap quitte la sélection italienne et laisse sa place à Marcello Lippi qui venait de conclure son deuxième cycle avec la Juve. Le Toscan effectue un renouvellement intelligent et part avant tout de la solide base laissée par son prédécesseur, les Cannavaro, Totti, Del Piero, Inzaghi, Gattuso, Nesta, Buffon et cie qui officient en sélection depuis quelques années et sont en pleine force de l’âge. Il intègre ensuite quelques éléments sacrés champions d’Europe avec les U21 quelques mois plus tôt : principalement De Rossi et Gilardino. Enfin Pirlo qui excelle avec le Milan depuis deux ans et enfin considéré à sa juste valeur et prend les rênes de l’équipe. Seulement, Lippi a aussi ses têtes et Panucci et Cassano disparaissent de la circulation. L’Italie hérite d’un groupe de qualification relativement simple, il faut finir premier ou parmi les deux meilleurs deuxièmes sur six pour valider son billet sans passer par les barrages. Norvège, Écosse, Slovénie, Biélorussie et Moldavie sont au programme, aucune n’était à l’Euro précédent.

Pirlo transforme deux coups-francs et l’Italie bat l’Écosse 2-0

L’aventure commence à Palerme contre la Norvège et ça tombe bien, tout juste de retour en Serie A, l’équipe locale va fournir la Nazionale en joueurs, notamment Toni buteur décisif pour ce premier match et Grosso. Après une deuxième victoire signée Del Piero en Moldavie, voici un coup d’arrêt en Slovénie avec une défaite 1-0. La laborieuse victoire 4-3 contre la Biélorussie commence à émettre quelques doutes sur cette équipe. Lippi s’essaye par ailleurs à toutes les tactiques possibles, 442, 4312, 433, 4231 et mise principalement sur Totti. Il faut deux coups-francs de Pirlo pour battre l’Écosse à Milan, s’ensuivent deux nuls à l’extérieur. 4 victoires, 2 nuls et 1 défaites, c’est le bilan à trois matches de la fin, heureusement les adversaires ne cessent de se piquer des points entre eux et la victoire signée Toni en Biélorussie (triplé) combinée à la défaite de la Norvège lance l’Italie à + 5 sur ses poursuivants. Un succès contre la Slovénie et la qualif est officialisée, Zaccardo s’en charge, c’est un autre pensionnaire de Palermo et symbole du renouvellement progressif effectué par Lippi qui a entre-temps récupéré un Capitan Cannavaro en pleine forme.

04.09.2004 (Palerme) Italie-Norvège 2-1 (De Rossi, Toni / Carew)

08.09.2004 (Chisinau) Moldavie-talie 0-1 (Del Piero)

09.10.2004 (Celje) Slovénie-Italie 1-0 (Cesar)

13.10.2004 (Parme) Italie-Biélorussie 4-3 (Totti x2 dont 1 s.p, De Rossi, Gilardino / Romashchenko x2, Bulyga)

26.03.2005 (Milan) Italie-Écosse 2-0 (Pirlo x2)

04.06.2005 (Oslo) Norvège-Italie 0-0

03.09.2005 (Glasgow) Écosse-Italie 1-1 (Miller / Grosso)

07.09.2005 (Minsk) Biélorussie-Italie 1-4 (Kutuzov / Toni x3, Camoranesi)

08.10.2005 (Palerme) Italie-Slovénie 1-0 (Zaccardo)

12.10.2005 (Lecce) Italie-Moldavie 2-1 (Vieri, Gilardino / Gatcan)

Groupe 5

Phase finale

Formule identique avec 32 participants et peu d’absents de marque hormis la Grèce championne d’Europe en titre et la Turquie 3ème du précédent Mondial. La surprise c’est l’Australie qui sort l’Uruguay aux tirs aux buts lors du barrage intercontinental, enfin le Nigeria et le Cameroun sont également des absents remarqués. Font leurs débuts l’Ukraine de Shevchenko, l’Angola, le Togo, la Cote d’Ivoire, le Ghana et le sympathique Trinité et Tobago. Après des qualifs plus compliquées que prévues, l’approche au Mondial est un véritable crescendo pour la Nazionale, la victoire 3-1 en Hollande en novembre 2005 après avoir été mené au score est un message important. Lippi se dirige désormais vers 433 et en mars 2006, l’Allemagne est détruite 4-1 à Florence, c’est peu après la grave blessure subie par Totti que l’on craint forfait pour le Mondial.

Grâce notamment à un but de Gilardino, l’Italie s’impose 3-1 en amical en Hollande

Mais le capitaine de la Roma revient à temps pour faire partie des 23 et fait son retour lors du denier amical contre l’Ukraine, un nul 0-0 après un autre score de parité contre la Suisse 1-1. Dans cette liste, pas de Vieri blessé avec Monaco et dont la place est prise par Inzaghi de retour au bon moment en coiffant Lucarelli sur le poteau. L’enthousiasme des derniers mois est vite redescendu, c’est qu’entre-temps Calciopoli a éclaté et nombreux sont ceux qui demandent la tête de Lippi et des joueurs de la Juve coupables d’être liés à leurs dirigeants. C’est une chasse aux sorcières délétère lancée par une presse qui oriente l’opinion publique et les deux se font un malin plaisir de taper sur la Nazionale. Un contexte qui n’est pas sans rappeler la veille du Mondial 82 et le Totonero. Mais là aussi, le sélectionneur saura transformer tout ceci en énergie positive.

Pirlo premier buteur italien du Mondial en ouvrant le score contre le Ghana

Tête de série, la Squadra Azzurra hérite du Ghana, des USA et de la République Tchèque, un groupe à sa portée mais dont il faut se méfier. Face aux Africains pour la 1ère, Lippi doit se passer de Zambrotta et Gattuso indisponibles tandis que Totti débute bien la rencontre. C’est un 4312 avec Perrotta qui a pris du grade au milieu et Toni-Gilardino devant. L’ouverture du score est signée Pirlo d’un joli tir des 25 mètres, l’Italie gère mais risque beaucoup, Buffon doit sortir la parade. Lippi opère ses changements et le néo-entrant Iaquinta profite d’une erreur de Kuffour pour doubler la mise et mettre la victoire au chaud. C’est maintenant au tour des USA défaits 3-0 contre la Tchéquie, Gilardino ouvre le score de la tête sur un coup-franc de Pirlo. Seulement tous les efforts sont ruinés par une minute de folie, Zaccardo marque contre son camp et De Rossi décroche un coup de coude dans la tronche de Mc Bride (et prend 4 matches de suspension !). C’est Totti qui est sacrifié et remplacé par Gattuso. Heureusement, les américains sont particulièrement échaudés et se font expulser deux joueurs juste avant et après la mi-temps. Mais à 10 contre 9 pendant 45 minutes, la Nazionale ne réussit pas à faire la différence malgré les entrées de Del Piero et Iaquinta jokers offensifs attitrés.

Zaccardo trompe son propre gardien et permet aux USA d’égaliser

L’Italie n’a besoin que d’un petit match nul contre la République Tchèque dans ce dernier match de poule pour se qualifier, tandis qu’une victoire lui offre la première place, mais attention aux vieux dragons que sont les Nedved et autres Poborsky. Les latéraux italiens sont désormais Grosso à gauche et Zambrotta à droite, Toni est sacrifié pour faire place à Camoranesi et Totti épaule Gilardino dans un genre de 4411 caméléon. Au bout de 17 minutes, Nesta subit sa troisième blessure en trois Coupes du Monde et voit sa compétition terminée prématurément. Il est remplacé par Materazzi qui n’a a jamais convaincu les tifosi italiens, mais sur le premier corner, il ouvre le score de la tête ! Il faut maintenant tuer le match, ce que l’Italie peine toujours à faire même si elle est une nouvelle fois en supériorité numérique puisque Polak s’est fait expulser. Il faut attendre l’entrée de Pippo Inzaghi à la place de Gilardino, lancé par Totti, il dribble Cech, ignore Barone, marque et fait chavirer les foules ! La Nazionale se qualifie première de son groupe avec 7 points.

Pippo Inzaghi inscrit le but du 2-0 contre la République tchèque

En 8èmes, elle est opposée à la surprenante Australie qui a devancé la Croatie et le Japon dans le groupe du Brésil, si l’Italie l’emporte, elle affronte la Suisse ou l’Ukraine en quarts, autrement dit un boulevard vers les demis. Mais la rencontre face aux kangourous est plus compliquée que prévu. Matrix a pris la place de Nesta aux côtés de Cannavaro et Lippi opte cette fois pour Del Piero en attaque aux côtés du duo Toni-Gilardino lesquels loupent plusieurs balles de but et c’est un score de 0-0 à la mi-temps. Insatisfait, Lippi fait entrer Iaquinta à la place de Gila mais à la 50ème – et précédé par sa réputation de boucher – Materazzi prend en rouge direct extrêmement sévère pour un tacle combiné sur Bresciano et…Zambrotta. C’est Toni qui sort pour permettre à Barzagli, 4ème central de l’équipe, d’entrer en jeu. Alors qu’on pense se diriger vers les prolongations, Grosso s’envole sur son côté gauche, entre dans la surface et est gêné par Neill qui l’empêche de continuer sa course, penalty ! Totti entré en jeu a le ballon des quarts au bout de son pied, l’ambiance est tendue mais il transforme parfaitement sa tentative et qualifie l’Italie !

Grosso obtient un penalty à la toute dernière minute de la rencontre

En quarts, c’est l’Ukraine qui se présente, poussive jusqu’à maintenant, la Nazionale se balade. Barzagli remplace Materazzi suspendu et Lippi ressort son 4411 avec Totti en soutien de Toni et Camoranesi-Perrotta sur les côtés. L’Italie ouvre le score par Zambrotta d’une frappe aux 20 mètres, en seconde mi-temps, Toni s’offre un doublé, de la tête sur un centre de Totti et du pied sur un service d’un immense Zambrotta. Cette fois c’est la nation hôte qui se dresse sur la route de la Squadra Azzurra, cette Allemagne qui a toujours réussi aux azzurri. A Dortmund et avec un stade contre elle, l’Italie offre une démonstration de football et domine la rencontre en ayant les occasions les plus franches. Partie avec le 4411, elle finit avec un 424 aux prolongations avec les entrées successives de Iaquinta, Del Piero et Gilardino.

Grosso n’en croit pas ses yeux, il vient d’ouvrir le score contre l’Allemagne !

0-0 après un long combat de 90 minutes mais l’Italie continue de dominer. En une minute elle touche le poteau avec Gilardino et la transversale avec Zambrotta tandis qu’en face Podolski croque la feuille puis contraint Buffon à la parade. Les teutons se ressaisissent mais la Squadra Azzurra ne panique pas. A la 113ème et suite à un corner, Pirlo trouve intelligemment Grosso dans la surface, lequel enroule superbement sa frappe, Lehmann ne peut rien y faire et l’Italie ouvre le score ! Grosso hurle sa joie en courant et n’en croit pas ses propres yeux. Une minute plus tard, et suite à une double interception d’un immense Cannavaro, l’Italie part en contre, Gilardino attend Del Piero, le sert et ce dernier paye sa lucarne et plie le match ! Les Allemands n’ont plus que leurs yeux pour pleurer, c’est l’Italie qui va à Berlin !

Del Piero enroule son tir et inscrit le 2-0, l’Italie est en finale !

Elle y retrouve la France pour un remake de la finale de l’Euro 2000, ce sont par ailleurs les mêmes générations qui s’affrontent avec Zidane, Henry, Thuram, Barthez et Vieira en face. Toujours aligné en 4411, l’Italie sort les muscles dès le début de la rencontre mais concède un penalty. L’arbitre le siffle pour une intervention de Materazzi sur Malouda, peu évident. Zidane sort une Panenka à moitié loupé puisque la balle touche la barre, dépasse la ligne et ressort. C’est le deuxième but encaissé par Buffon après le csc de Zaccardo. 7 minutes de jeu et l’Italie est déjà menée. Mais 12 minutes plus tard, elle obtient un corner, parfaitement brossé par Pirlo sur la tête de Materazzi qui plane sur Vieira et inscrit son deuxième but de la compétition ! Sur une action identique, Toni touche la barre quelques minutes plus tard ! 1-1, c’est le score à la mi-temps. En seconde période, la France prend le dessus et Henry obtient plusieurs occasions de marquer, même si la meilleure est de Toni de la tête suite à un coup-franc, un but refusé pour une position de hors-jeu limite. Lippi se met à coacher, De Rossi et Iaquinta remplacent Perrotta et un Totti jamais dans le match. Fin des 90 minutes, on va aux prolongations.

Materazzi égalise de la tête !

Entre-temps, le sélectionneur italien a utilisé son dernier remplacement avec l’entrée de Del Piero à la place de Camoranesi. Domenech lui ressort les fantômes de 2000 puisque Trezeguet et Wiltord font leur apparition, mais c’est Zidane d’une superbe tête qui oblige Buffon à la claquette. Alors qu’on se dirige tranquillement vers les penaltys, Zizou envoie un autre coup de tête, mais cette fois dans le torse de Materazzi, l’arbitre n’a rien vu et expulse le numéro 10 français avec la collaboration de ses assistants, sa carrière se finit sur ce geste déplorable. Plus tard, on apprendra que Matrix a provoqué le français en insultant sa sœur. L’Italie a perdu les trois séances de tirs aux buts auxquelles elle a participé de 90 à 98 et on ne veut croire à une nouvelle et cruelle déception. Tout le monde réussit sa tentative hormis un seul, ce Trezeguet qui avait inscrit le but en or en 2000. Le destin a pris sa revanche, Grosso encore lui a la 4ème étoile au bout du pied et ne tremble pas, l’Italie est sacrée championne du monde et le ciel est azzurro au-dessus de Berlin !

Fabio Grosso – encore lui – inscrit le tir au but vainqueur, l’Italie remporte sa 4ème Coupe du Monde !

Les joueurs, le peuple et les médias français ne digéreront jamais cette défaite et délégitiment dès que possible (encore souvent aujourd’hui) les mérites de l’Italie plutôt que de s’en prendre à leur numéro 10 incapable de se contrôler. Mais ce n’est pas forcément mieux en Italie où les journalistes et les tifosi montent sur le char de la victoire alors qu’ils étaient nombreux à réclamer la tête de Lippi et des joueurs de la Juve (notamment Buffon et Cannavaro) quelques semaines plus tôt.

Les matches

12.06.2006 (Hanovre) Italie-Ghana 2-0 (Pirlo, Iaquinta)

17.06.2006 (K’lautern) Italie-USA 1-1 (Gilardino / Zaccardo csc)

22.06.2006 (Hambourg) République Tchèque-Italie 0-2 (Materazzi, Inzaghi)

Groupe E

26.06.2006 (K’lautern) Australie-Italie 0-1 (Totti s.p)

30.06.2006 Italie-Ukraine 3-0 (Zambrotta, Toni x2)

04.07.2006 Allemagne-Italie 0-2 (Grosso, Del Piero)

09.07.2006 Italie-France 1-1 (Materazzi / Zidane s.p)

L’effectif

Gardiens : 1 Buffon (Juventus) • 12 Peruzzi (Lazio) • 14 Amelia (Livorno)

Défenseurs : 2 Zaccardo (Palermo) • 3 Grosso (Palermo) • 5 Cannavaro (Juventus) • 6 Barzagli (Palermo) • 13 Nesta (Milan) • 19 Zambrotta (Juventus) • 22 Oddo (Lazio) • 23 Materazzi (Inter)

Milieux : 4 De Rossi (Roma) • 8 Gattuso (Milan) • 16 Camoranesi (Juventus) • 17 Barone (Palermo) • 20 Perrotta (Roma) • 21 Pirlo (Milan)

Attaquants : 7 Del Piero (Juventus) • 9 Toni (Fiorentina) • 10 Totti (Roma) • 11 Gilardino (Milan) • 15 Iaquinta (Udinese) • 18 Inzaghi (Milan)

Sélectionneur : Lippi

Ex-entraineur de la Juve, Lippi mise sur le bloc juventino qu’il connait par cœur et a dominé l’Italie les deux dernières saisons. 5 convoqués, autant que ceux du Milan qui domine l’Europe de la tête et des épaules. Plus surprenant, la présence – décisive – de 4 pensionnaires de Palermo, équipe à peine de retour en Serie A. Enfin complètent l’expédition, trois romanisti, deux laziales, un pensionnaire de la Fiorentina, de l’Inter, de l’Udinese et de Livorno soit 9 équipes représentées.

Equipe-type

Petit à petit, Lippi choisit un 4411 après avoir démarré la compétition dans un 433 un peu moins équilibré. Grosso s’affirme à gauche, Materazzi remplace superbement Nesta aux côtés d’un capitan Cannavaro au sommet de son art. Mais c’est au milieu que ça bouge le plus. En plus duo milanista Pirlo-Gattuso, Perrotta se trouve parfaitement dans un rôle de milieu gauche à tout faire, tandis que Camoranesi est son pendant à droite. Lorsque l’italo-argentin n’est pas aligné, c’est Gilardino qui prend sa place aux côtés de Toni, toujours soutenu par un Totti tout juste opérationnel. C’est la victoire du collectif avec pas moins de 10 buteurs différents tandis que tous les joueurs de champ ont disputé au moins un match.