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Chroniques d'un franco-italien "Je suis rital et je le reste" - Calciomio.fr

Chroniques d’un franco-italien “Je suis rital et je le reste”

13 novembre 2012 à 10h17         Paolo Del Vecchio
Chroniques d’un franco-italien “Je suis rital et je le reste”

Chroniques d’un franco-italien “Je suis rital et je le reste”

Equipe d Italie Equipe d italie 

Non cet article n’est pas un hommage à Claude Barzotti. Puisque nous sommes en France, martelés par les commentaires TF1, Eurosport ou L’Équipe, nous tenterons ici d’apporter une alternative, celle d’un italien d’origine fier de porter un maillot de la Nazionale dans n’importe quelle situation.

Italie-France, France-Italie, pour nous franco-italiens ou italiens de France, c’est notre derby, The Match, celui qu’il ne faut pas perdre, celui qui déterminera l’attitude de nos collègues, amis, voisins français, boulanger, beau-frère et bien d’autres. Va-t-on subir pendant quatre ans (ou jusqu’à la prochaine rencontre) les moqueries, les insultes (plus ou moins sympathiques), les clichés, ou pourra-t-on simplement assumer notre appartenance au maillot azzurro ? Pour nous, c’est un choc pas comme les autres, rien à voir avec Juventus-Inter, Inter-Milan, Roma-Lazio, Genoa-Samp. Pour nous, italiens de France, cela n’a même rien à voir avec Italie-Brésil (puisqu’au fond nous savons bien que ce sont les deux meilleures équipes du monde). Non, Italie-France est une question d’honneur, c’est le match qui nous rappelle toute notre vie, celle de nos parents ou grand-parents qui nous racontent dans quelles conditions ils sont arrivés en France. “Un jour, j’étais femme de ménage chez une famille française et la dame m’a dit ‘Vous les italiens vous venez prendre le travail des français’, alors je lui ai répondu ‘Non, je viens nettoyer votre merde.’ ” (Imaginez le tout avec un fort accent pugliese ).

Ce match nous rappelle notre enfance, pendant laquelle nos camarades jugeaient drôle de faire des jeux de mot avec notre nom de famille. Pendant laquelle, quand nous jouions au foot dans la cours de récré’ ou même à un tout autre jeu, on nous demandait d’arrêter de tricher (puisque tous les italiens trichent). Pendant laquelle nous corrigions, morts de honte, nos vieux quand ils faisaient une faute de français en public. Ce match nous rappelle également que les français supporteront toujours l’équipe qui affrontera l’Italie, quelle qu’elle soit (de Brésil-Italie 94′ à Espagne-Italie 2012, même combat). Il nous rappelle les commentateurs français, la presse française qui, pour on ne sait quelle raison, a développé une aversion envers la Nazionale et le football italien notamment à partir de 2000 (ce qui est d’ailleurs l’une des raisons de la création de Calciomio). Cette presse qui s’est permis d’utiliser des mots proches de la limite envers l’Italie, alors qu’elle ne s’est jamais autorisée cela envers aucun autre pays, et ce dans n’importe quel domaine. Ce match nous rappelle l’après 2006, quand la France entière condamnait l’attribution du Ballon d’Or à Cannavaro, tandis qu’elle pardonnait tout à Zidane. Ce pardon entraînant la diabolisation de Materazzi et de ce fait nous sommes devenus des provocateurs. Tous. Cela change, en fonction des générations. Mafiosi, tricheurs, simulateurs, et provocateurs. C’est ce qui fait que pendant Italie-France, nous sommes plus italiens que les italiens d’Italie.

Parler d’Italie-France avec un français, c’est un peu comme parler politique ou religion, ce sont des choses qui fâchent. “Hé, on est les champions!” Oui, pour la première et dernière fois il y a quatorze ans, nous on a quatre étoiles étalées sur un siècle. “On vous a appris à reboucher le Champagne!” D’accord, merci. “Vous nous avez volé la coupe du monde 2006, vous ne méritiez pas de gagner.” Ah oui ? Et le pénalty accordé au bout de cinq minutes n’est-il pas généreux ? Vous souvenez-vous de la tête de Toni qui a atterri sur la barre, quand Barthez cherchait un trèfle à quatre feuille sur sa ligne ? Et le but de Toni refusé en deuxième mi-temps pour un hors jeu passif de De Rossi. Et bien sûr, Zidane qui pète un plomb, lui, méritait de gagner puisque ce n’est pas de sa faute. Pauvre Zizou. Volé, nous les avons volé. Une allusion de plus à la Mafia italienne, un cliché de plus à nous mettre en pleine tête. Les ritals sont tous des beaux parleurs, tous des comédiens, tous des tricheurs, ils ont tous les cheveux gominés, et roulent tous en FIAT. Heureusement, le climat s’est légèrement détendu durant ce dernier Euro 2012, grâce aussi au jeu pratiqué par la Nazionale de Prandelli. De plus, le sélectionneur Didier Deschamps a répété à plusieurs reprises qu’il avait appris à gagner en Italie. Mais on vous en a déjà parlé, du football italien de plus en plus présent en France. Bref, Italie-France, c’est aussi l’occasion de se chambrer gentiment entre amis. Partager une pastasciutta de la Mamma après un apéritif San Bitter avec nos camarades Gaulois. Mais pour tout ce qu’on a pu entendre, que ce soit sympathiquement ironique ou extrêmement insultant, c’est toujours une immense joie de battre la France. C’est notre revanche à nous, les ritals.

Alors si vous aussi vous voyez la photo de cet article comme la plus grande émotion de votre vécu footballistique (Grosso-Barthez, pénalty décisif en finale de Coupe du Monde 2006), c’est que vous vous êtes reconnus dans ces quelques lignes. Sinon, cela vous donne un petit aperçu de ce qu’un italien de France peut ressentir. Un nouvel épisode nous attend, Forza ragazzi.

Paolo Del Vecchio       Twitter @CalcioPaolo

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